Une décentralisation inachevée : Gestion des déchets solides, politique locale et activisme environnemental en Tunisie.

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Poubelles de recyclage à Maamoura, Tunisie - décembre 2020. © Lana Salman

Tunis, 29 avril 2021 – L’Arab Reform Initiative et la Fondation Heinrich Böll, bureau de Tunis, publient aujourd’hui un rapport intitulé « L'environnementalisme post-décentralisation : la politique locale de gestion des déchets solides en Tunisie ». A partir de trois cas, l’étude met en lumière différentes lacunes en matière de gestion des déchets solides en milieu urbain, lacunes qui, dans les cas les plus graves, peuvent mettre en danger la santé des riverain∙es.

Elle évalue la politique de collecte des déchets solides dans les municipalités de Maamoura (le bon élève), Nabeul (dépassée par l’ampleur de la tâche) et Agareb (l’exemple toxique d’une zone industrielle intensive). Ces dernières ont été choisies à partir d’une recherche préliminaire sur l’activisme environnemental dans ces municipalités. A partir d’entretiens menés avec des fonctionnaires dans ces municipalités et des militant∙es de la société civile locale et des citoyen∙nes, l’étude identifie les variables, positives ou négatives, qui impactent la gestion des déchets solides au niveau municipal.

« Si le Code des Collectivités Locales a donné de nombreuses prérogatives aux municipalités en matière de gestion des déchets, cet accroissement de pouvoir ne s’est pas traduit par une amélioration notable de la collecte et de la gestion des déchets solides, » souligne Lana Salman, chercheuse en gouvernance urbaine et en développement international et auteure du rapport. « Les municipalités sont aujourd’hui encore incapables de gérer la disposition des déchets solides de façons à assurer la protection de la santé des riverain∙es. »

Selon l’étude, cette mauvaise gestion est due à quatre raisons principales : une définition trop étroite de ce qu’est « l’environnement » au niveau des administrations locales, un manque de coordination entre société civile et municipalités, une incapacité des municipalités à utiliser leur pouvoir juridictionnel pour imposer aux entreprises polluantes implantées dans leurs localités le respect des lois en vigueur et enfin, une neutralisation de leurs pouvoirs par des autorités centrales ou déconcentrées telles que les gouverneur∙es et l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED).

Adoptant une compréhension de la gestion des déchets solides axée sur la notion de justice environnementale, l’étude montre que derrière les scandales de corruption à l’échelle nationale, c’est d’abord la santé des individus qui est en première ligne avec la mauvaise gestion des déchets.

L’étude recommande aux municipalités d’adopter une définition plus large de l’environnement : non comme une variable extérieure à prendre en compte de manière accessoire mais comme une question cruciale pour la vie quotidienne et la santé des habitant∙es. L’étude recommande également l’activation par les municipalités de l’article 141 du Code des Collectivités Locales (CCL), article qui autorise ces dernières à percevoir des redevances des unités de production exerçant des activités économiques ayant des effets négatifs sur l’environnement.

« Ce rapport établit une relation directe entre la gouvernance locale, les dimensions politico-économiques de la modernisation des activités industrielles et leur impact sur la vie des plus vulnérables dans la Tunisie postrévolutionnaire. En l’absence d’une gestion environnementale juste et responsable, les communautés les plus vulnérables continueront à payer le prix fort », dit Zied Boussen de l’Arab Reform Initiative.

« Réussir la décentralisation en Tunisie demeure conditionné à certains défis environnementaux à relever, notamment la problématique de gestion des déchets solides qui incarne la mauvaise gouvernance locale et l’inefficacité des politiques environnementales locales. Outre les différentes appréhensions de l’environnement par les acteurs locaux interviewés, le rapport démontre comment l’échec des pratiques et des politiques publiques efficaces peut conduire à des conséquences qui vont au-delà de la dégradation de l’environnement. Il s’agit en l’occurrence de la violence lente, » explique Olfa Chebaane de la Fondation Heinrich Boll.

Notes et infos pour les médias :

L'Arab Reform Initiative est un groupe de réflexion arabe indépendant qui travaille avec des partenaires experts au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et au-delà pour articuler un programme national de changement démocratique et de justice sociale. Il mène des recherches et des analyses politiques et fournit une plate-forme pour des voix inspirantes basées sur les principes de diversité, d'impartialité, et d'égalité des sexes.

La Fondation Heinrich Böll est un catalyseur de perspectives et de projets verts. Nous sommes affiliés au parti vert allemand. Nous travaillons avec des partenaires dans plus de 60 pays et disposons actuellement de 34 bureaux internationaux, dont celui de Tunis. Nous défendons les droits humains et œuvrons en faveur d'un environnement sain et durable pour les générations actuelles et futures.

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Les opinions représentées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’Arab Reform Initiative, de son personnel ou de son conseil d'administration.