Un simulacre d’élection présidentielle

Le Président de la Tunisie, Kais Saied, lors de la conférence de presse, Libye 17 mars 2021
Le Président de la Tunisie, Kais Saied, lors de la conférence de presse, Libye 17 mars 2021 (c) Hussein Eddeb -  Shutterstock

Introduction 

Le 2 juillet 2024, la présidence de la République tunisienne a annoncé par un communiqué, la tenue de l’élection présidentielle le 6 octobre 2024. Dans un contexte de crise politique que vit le pays depuis plusieurs années, Kais Saied a, depuis son coup d’Etat du 25 juillet 2021, œuvré à mettre en place un régime autoritaire suite à l’échec de la transition démocratique amorcée en 2011. Alors qu’une grande partie de l’opposition espérait profiter de l’occasion de l’élection présidentielle afin de fermer la parenthèse Kais Saied, le régime semble déterminer à faire gagner son candidat coûte que coûte, même si cela implique d’organiser un simulacre d’élection, barrant la route aux candidats pour qu’ils ne puissent pas présenter leur candidature.

Contexte politique :

Le 25 juillet 2021, alors que la Tunisie était traversée par une grave crise économique et sanitaire causée par l'épidémie de la Covid-19, le président tunisien Kais Saied, élu démocratiquement en 2019 active l’article 80 de la Constitution qui permet au Président certain pouvoirs exceptionnels “en cas de péril imminent” et s’octroie par la même occasion tous les pouvoirs. Il gèle le parlement puis le dissout quelques mois plus tard. Il suspend la Constitution et en fait adopter une nouvelle par référendum le 25 juillet 2022. Il met en place un régime ultra-présidentiel et autoritaire dans lequel les voix de l’opposition sont muselées. Plusieurs opposants politiques sont en effet arrêtés pour des motifs différents. L’un des procès les plus connus est celui du complot contre la sûreté de l’Etat pour lequel plusieurs opposants sont en détention préventive depuis février 20231“Affaire du complot contre la sûreté de l’État : un an après, quel bilan ?”, Inkyfada 2024. et risquent des peines allant jusqu’à la peine de mort. D’autres opposants et journalistes sont quant à eux poursuivis par le biais du décret 54 dont le but théorique est de lutter contre les fausses informations et la cybercriminalité, mais qui en réalité représente un outil pour le pouvoir de faire taire toute voix dissonante.2“Tunisie : Un décret sur la cybercriminalité utilisé contre les détracteurs des autorités”, Human Rights Watch, 2023.

Les trois années ayant suivi le coup d’Etat de 2021 ont permis à Kais Saied de mettre en place son nouveau système politique avec l’organisation d’élections législatives et locales, des scrutins largement boycottés par l’opposition et qui ont vu des taux d’abstention records frôlant les 90%.3Lilia Blaise, “En Tunisie, l’abstention massive aux élections législatives accentue la crise politique”, Le Monde, 2023. Bien que le président jouissait d’une certaine popularité auprès de la population suite au coup d’Etat,4Nadia Dejoui, “Enquête en ligne : légère baisse de la popularité de Kais Saied, L’Economiste Maghrebin, 2021. ces taux montrent une certaine fragilité dans le soutien populaire sur lequel il s’est appuyé pour mettre en place ses réformes. De plus, les sondages étant interdits en période électorale, il est difficile de mesurer sa véritable popularité.

L’élection présidentielle d’octobre 2024 devait ainsi être un premier test grandeur nature pour le président qui remet son mandat en jeu. Néanmoins le régime ne semble pas prêt à risquer une défaite et a tout fait pour placer le président sortant dans une configuration où la victoire lui échapperait difficilement.

Les candidats retenus :

Bien qu’une partie de l’opposition ait décidé de boycotter le scrutin électoral, à l’instar du parti des travailleurs de Hamma Hammami,5“Hamma Hammami : nous boycotterons les prochaines présidentielles”, Kapitalis, 2024. plusieurs candidats ont annoncé leur volonté de se présenter à ce scrutin, et 17 d’entre eux ont officiellement déposé leur dossier de candidature avant le 6 août, date butoir pour le dépôt. Seuls trois dossiers parmi ceux-ci ont été acceptés par l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) :

Ayachi Zammel : Homme d’affaires et ex-député élu en 2019 sur les listes du parti Tahya Tounes formé par l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed. Le 27 juin 2022 il crée son propre parti politique “Azimoun”. Peu connu du grand public, il axe son discours sur les questions économiques et sociales. D'obédience libérale, il se présente comme un démocrate convaincu. Il a annoncé son soutien à tous les prisonniers politiques et d’opinion et a affirmé son attachement à la liberté d’expression et de presse ainsi qu’à la séparation des pouvoirs. Le slogan de sa campagne est “Tourner la page”. Bien que n’ayant pas frontalement attaqué le président de la République, et ayant eu des positions assez timides sur les restrictions des libertés et les arrestations politiques, voire pas de position du tout, il est considéré comme un candidat de l’opposition et capable de nouer des alliances avec les différentes forces de l’opposition.6Vidéo de présentation du programme électoral de Ayachi Zammel, Facebook, 2024. ,7“Qui est vraiment Ayachi Zammel”, Businessnews, 2024

Zouhair Maghzaoui : Secrétaire général du parti de la mouvance nationaliste arabe “Mouvement du Peuple”, il fait partie de ceux qui ont soutenu le coup d’Etat du 25 juillet ainsi que l’ensemble du processus de mise en place du nouveau régime politique. Il a notamment appelé à voter “oui” lors du référendum pour la nouvelle constitution de 2022. Néanmoins, depuis 2023, il a commencé à prendre ses distances avec le régime, notamment après le faible taux de participation aux élections législatives. Son parti refuse de participer aux élections locales de décembre 2023. Dans ses discours de campagne, il insiste sur la nécessité de protéger la liberté d’expression, notamment avec l’abrogation du décret 54, et critique le régime sur de nombreux points, notamment le manque de transparence de ses accords avec l’Italie de Meloni sur les questions migratoires. Dès l’annonce des candidats retenus pour la présidentielle, il a décidé de s’attaquer frontalement à Kais Saied faisant ainsi un virage à 180°, mais ses positions initiales de soutien au Coup d’Etat font qu’il lui sera très difficile de nouer des alliances avec l’opposition.8“Qui est vraiment Zouhair Maghzaoui”, Businessnews, 2024. ,9“Présidentielle tunisienne : Zouhair Maghzaoui se présente contre (ou pour) Kais Saied ?”, Businessnews, 2024.

Kais Saied : Le président sortant. Après son élection en 2019 au second tour face à Nabil Karoui, où il avait profité d’un plébiscite populaire le faisant gagner avec plus de 70% des voix grâce à ses positions anticorruption, il réalise un Coup d’Etat en 2021 pour s’octroyer tous les pouvoirs et mettre en place un nouveau régime politique. Candidat populiste, il construit son discours autour d’un clivage entre l’ancienne classe politique qui a occupé la scène lors de la décennie de transition démocratique, et le peuple, dont il souhaite être le représentant. Son mandat est marqué par les restrictions des libertés et un retour vers une forme d’autoritarisme. Son bilan économique et social est assez faible étant donné que la situation n’a cessé de se détériorer durant son mandat. Néanmoins son discours populiste ainsi que ses accusations de complots et de trahisons envers ses opposant.es lui permettent de bénéficier d’un soutien populaire encore assez conséquent. Il ne cesse de répéter dans ses discours que la Tunisie est en plein dans une “guerre de libération nationale”.

Un processus électoral antidémocratique :

Un contexte politique répressif et antidémocratique

La présence de seulement trois candidats à l’élection présidentielle - et le rejet de nombre de candidatures crédibles - interroge la légitimité du processus électoral et du scrutin. L’ensemble de l’opposition, allant des islamistes à la gauche en passant par la famille destourienne dénonce en effet le contexte antidémocratique dans lequel se déroulent ces élections. En effet, le président lui-même a nommé les membres de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE),10“Démocratie. En Tunisie, le président met la main sur l’instance électorale”, Courrier International, 2022. ce qui remet en question de facto son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Cela a d’ailleurs été l’un des arguments principaux qui ont poussé les partis d’opposition traditionnels à boycotter les précédents scrutins tenus sous la présidence de Kais Saied.

En plus de cela, bon nombre de dirigeants politiques de premier plan des principaux partis d’opposition sont en prison. On compte notamment parmi les prisonniers Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste d’Ennahdha arrêté depuis avril 2023, Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre en prison depuis octobre 2023, ou encore Ghazi Chaouachi, ex-secrétaire général du Courant Démocratique ainsi que Issam Chebbi, président du parti Al Joumhouri, tous deux de la mouvance sociale-démocrate, placés en détention préventive depuis février 2023.

Enfin, la pression sur le paysage médiatique devient de plus en plus forte. En mai 2024, l’avocate et chroniqueuse télé Sonia Dahmani est arrêtée pour avoir dit à la télévision que la Tunisie n’était pas un pays où il faisait bon vivre.11Tunisie : l’avocate Sonia Dahmani condamnée à un an de prison pour diffusion de fausses nouvelles”, France 24, 2024 Deux autres journalistes, Mourad Zeghidi et Borhene Bsaies sont arrêtés la même semaine pour des propos tenus à l’antenne.12“Tunisie : Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi arrêtés et interrogés par la police”, Kapitalis, 2024. L’une des émissions politiques les plus suivies “90 minutes”, et qui avait pour habitude d’inviter des membres de l’opposition sur ses plateaux a été déprogrammée par la radio IFM, et ce juste après que la présentatrice Khouloud Mabrouk ait été sujette à une instruction judiciaire, ce qui témoigne d’une probable pression de l’exécutif pour contraindre la radio à annuler son émission qui, semblait-il, dérangeait.13“Affectée, Khouloud Mabrouk revient sur les raisons de l’arrêt de l’émission 90 minutes”, Businessnews, 2024.

Une course à la présidentielle semée d'embûches

Bien avant l’annonce de la date de l’élection présidentielle, plusieurs candidats ont annoncé leur volonté de se présenter. C’est le cas de Lotfi Mraihi, chef du parti de l’Union Populaire Républicaine, arrivé septième à l’élection de 2019 avec 6,56% des voix et qui s’est opposé à Kais Saied dès le coup d’Etat du 25 juillet 2021. Il a annoncé sa candidature en avril 2024, mais a été arrêté en juillet de la même année, et condamné à huit mois de prison et à l’inéligibilité à vie. C’est le cas aussi de Safi Saïd, journaliste et écrivain de la mouvance nationaliste arabe, qui s’était présenté aussi en 2019 et avait récolté 7,4% des voix et qui était aussi frontalement opposé au président de la République, et qui a écopé en juin 2024 d’une peine de 4 mois de prison par contumace, avant de tenter de s’enfuir en Algérie en août, et de se faire arrêter aux frontières et condamner à trois mois de prison avec sursis.

Ces deux cas, parmi d’autres, témoignent d’un climat politique où le régime en place souhaite dissuader les candidats de se présenter. Cela n’a pas empêché plusieurs candidats de rentrer dans la course à partir de l’annonce de la date des élections. Mais tous n’ont pas pu aller jusqu’au bout. La loi électorale définit plusieurs conditions d’éligibilité, parfois difficiles à remplir, qui ont compliqué la constitution de dossiers des candidats. Parmi ces conditions, deux ont été très médiatisées, à savoir l’obtention du Bulletin n°3 (extrait du casier judiciaire), ainsi que le rassemblement de parrainages : soit par 10 députés de l’Assemblée des représentants du peuple ou du Conseil National des Régions et des Districts, soit par 40 présidents des collectivités locales, soit 10000 électeurs inscrits sur les listes électorales répartis dans au moins 10 circonscriptions avec au moins 500 électeurs.14“Présidentielle : Les conditions des parrainages”, Mosaiquefm, 2024.

La première condition a été fortement critiquée car plusieurs candidats ont fait leur demande d’obtention du bulletin auprès du ministère de l’Intérieur, mais ont reçu soit des réponses négatives, à l’instar du rappeur Karim Gharbi plus connu sous le nom de K2Rhym, et qui a donc abandonné la course, ou alors pas de réponse du tout, comme le candidat Kamel Akrout, amiral retraité, qui a aussi décidé d’abandonner la course, ou Mondher Zenaidi, ex-ministre de Ben Ali qui a choisi de déposer quand même son dossier avec le document manquant.

Quant à la deuxième condition, elle a été critiquée du fait de la complexité de rassemblement des parrainages : étant donné que l’Assemblée des Représentants du Peuple et le Conseil National des Régions et Districts ainsi que les collectivités locales sont composées essentiellement d’élus entre les mains du régime, la seule option restante pour les candidats est celle des parrainages populaires, or à cause du nouveau découpage électoral qui a mis en place 161 circonscriptions dont plusieurs de très petites tailles, cela rend la tâche très difficile pour les candidats. Les dossiers de candidats tels que Dhaker Lahidheb (ex dirigeant du Courant Démocrate, social-démocrate), Neji Jalloul (ex-ministre Nidaa Tounes) ainsi que Mondher Zenaidi par exemple, ont été refusés par l’ISIE car les parrainages étaient manquants, bien que pour les cas de Lahidheb et Zenaidi, le nombre de parrainages soumis dans le dossier dépassait les 10000, mais l’Instance a jugé que certains parrainages n’étaient pas conformes aux conditions fixées.

Recours au tribunal administratif et impasse juridique

Plusieurs des candidats dont les dossiers ont été refusés par l’ISIE ont effectué un recours auprès du tribunal administratif, réputé pour son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Dans une décision qui a créé la surprise générale et générée un souffle d’espoir que les élections pourraient être compétitives après tout, le tribunal administratif a accepté les recours de 3 candidats les 27, 29 et 30 août, invalidant ainsi la décision de l’ISIE et, les remettant de facto dans la course à la présidentielle :

Abdellatif Mekki : Ex-dirigeant du parti islamiste Ennahdha, il a été ministre de la Santé lors de la période de la Troika, entre 2011 et 2014, puis sous le gouvernement Fakhfakh en 2020. Il avait d’ailleurs été l’une des personnalités les plus importantes de ce gouvernement lors de la première vague de l’épidémie Covid-19, dont la gestion sur le plan sanitaire était une réussite, ce qui a valu à Mekki de monter en popularité dans les sondages. Ancien prisonnier politique sous Ben Ali, il faisait partie de l’aile modérée du parti islamiste, avant de le quitter en septembre 2021, pour fonder son propre parti en juin 2022 “Travail et Réalisation”. Après avoir annoncé sa candidature le 26 juin 2024, il a comparu devant le juge d’instruction dans une affaire remontant à 2014, qui émis à son encontre une décision d’interdiction de voyage et d’intervention dans les médias.15“Abdellatif El Mekki interdit de voyage et d’apparition dans les médias”, Businessnews, 2024

Mondher Zenaidi : Ancien membre du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), il a occupé plusieurs postes ministériels sous Ben Ali : Transport, Commerce, Tourisme et Santé. Bien qu’ayant participé au régime dictatorial de Ben Ali, Il faisait partie des ministres dits “technocrates”, choisis pour leur compétence. Après la Révolution de 2011, il choisit d’aller vivre en France. En 2014, il se présente aux élections présidentielles en tant qu’indépendant, mais ne réussit à recueillir que 0,74% des voix. A l’approche des élections de 2024, il se déclare candidat et son nom devient de plus en plus cité comme une véritable menace pour le président Kais Saied.

Imed Daimi : Ex-secrétaire général du parti du Congrès Pour la République (CPR), il est nommé directeur du cabinet présidentiel de Moncef Marzouki lorsque ce dernier est élu président de la République par l’Assemblée Nationale Constituante en 2011. En 2013, il quitte le cabinet pour devenir secrétaire général du CPR, puis en 2015, il suit Moncef Marzouki dans son nouveau parti Harak Tounes Al Irada dont il devient le vice-président. Réputé pour ses positions conservatrices et son engagement contre la corruption, il fonde en 2019 l’ONG Marsad Raqabah qui vise à promouvoir la transparence et le contrôle citoyen des institutions.

Néanmoins, 3 jours après les décisions du tribunal administratif, le 2 septembre, le président de l’ISIE Farouk Bouasker, dans une déclaration transmise par la télévision nationale sans présence de journalistes, annonce la liste finale des candidats retenus. Allant contre les principes de droit Tunisien, il refuse d’appliquer les décisions du tribunal administratif, laissant ainsi dans la course seulement les trois candidats initialement retenus : Kais Saied, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel.

Cette annonce représente un véritable tremblement de terre politique et juridique, car le président de l’ISIE, avec cette décision, viole clairement la loi électorale qui affirme que l’ISIE est tenue d’appliquer les décisions du tribunal administratif.16“En Tunisie, l’instance électorale éteint tout espoir d’une présidentielle démocratique”, Jeune Afrique, 2024. Bouasker, lors de son annonce a justifié cela par le fait que l’instance électorale n’avait pas reçu les décisions dans les délais, ce qui a été démenti par le tribunal administratif via un communiqué sur sa page Facebook. Cette décision a provoqué la stupéfaction et la colère de nombre d’experts juridiques, à l’instar de l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel qui a publié un communiqué le 3 septembre, dénonçant la transgression de la loi par l’ISIE et prévenant des risques que cela engendre pour les principes du régime Républicain.17“Association Tunisienne de Droit Constitutionnel : l’Isie menace les valeurs de la République”, Businessnews, 2024. Cela crée un précédent unique en son genre et extrêmement dangereux pour la Tunisie, étant donné que cette décision viole les principes mêmes de l’Etat de droit et ouvre la porte vers des élections illégitimes. Les candidats exclus par l’ISIE ont en effet la possibilité, après l’annonce officielle des résultats des élections, de procéder à un recours auprès du tribunal administratif qui est capable d’annuler les résultats de l’élection, ce qui placerait la Tunisie dans une impasse juridique historique.

Enfin, le jour même de l’annonce de la liste, Ayachi Zammel, l’un des trois candidats retenus a été arrêté, pour soupçons de falsification de parrainages. Deux jours plus tard, un mandat de dépôt est émis contre lui, ce qui l’empêchera vraisemblablement de mener à bien sa campagne électorale.

Conclusion :

Depuis le coup d’Etat du 25 juillet 2021, Kais Saied a mis en place un nouveau régime politique ultra-présidentiel et autoritaire. Durant trois années, il a méticuleusement déconstruit l’architecture du régime démocratique installé après la révolution de 2011. L’élection présidentielle, qui aurait pu être un premier test grandeur nature pour valider ses choix auprès des citoyen.nes, sera en réalité un simulacre d’élection, semblable à ceux organisés par les dictatures et régimes autoritaires les plus coriaces. En effet, durant trois ans, il a installé dans le pays un climat de terreur, emprisonnant ses opposant.es et mettant une épée de Damoclès au-dessus des têtes des journalistes. Aujourd’hui, à l’approche de l’élection présidentielle, son régime passe à la vitesse supérieure en arrêtant les candidats ou en les disqualifiant et allant jusqu’à la négation même des principes de l’Etat de droit afin de s’accrocher au pouvoir. La victoire très probable du président le 6 octobre prochain lui permettra de rester à la tête du pays mais sa légitimité sera fragile. Malheureusement, la parenthèse démocratique tunisienne semble de plus en plus fermée, à moins d’un sursaut populaire inattendu.

Endnotes

Endnotes
1 “Affaire du complot contre la sûreté de l’État : un an après, quel bilan ?”, Inkyfada 2024.
2 “Tunisie : Un décret sur la cybercriminalité utilisé contre les détracteurs des autorités”, Human Rights Watch, 2023.
3 Lilia Blaise, “En Tunisie, l’abstention massive aux élections législatives accentue la crise politique”, Le Monde, 2023.
4 Nadia Dejoui, “Enquête en ligne : légère baisse de la popularité de Kais Saied, L’Economiste Maghrebin, 2021.
5 “Hamma Hammami : nous boycotterons les prochaines présidentielles”, Kapitalis, 2024.
6 Vidéo de présentation du programme électoral de Ayachi Zammel, Facebook, 2024.
7 “Qui est vraiment Ayachi Zammel”, Businessnews, 2024
8 “Qui est vraiment Zouhair Maghzaoui”, Businessnews, 2024.
9 “Présidentielle tunisienne : Zouhair Maghzaoui se présente contre (ou pour) Kais Saied ?”, Businessnews, 2024.
10 “Démocratie. En Tunisie, le président met la main sur l’instance électorale”, Courrier International, 2022.
11 Tunisie : l’avocate Sonia Dahmani condamnée à un an de prison pour diffusion de fausses nouvelles”, France 24, 2024
12 “Tunisie : Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi arrêtés et interrogés par la police”, Kapitalis, 2024.
13 “Affectée, Khouloud Mabrouk revient sur les raisons de l’arrêt de l’émission 90 minutes”, Businessnews, 2024.
14 “Présidentielle : Les conditions des parrainages”, Mosaiquefm, 2024.
15 “Abdellatif El Mekki interdit de voyage et d’apparition dans les médias”, Businessnews, 2024
16 “En Tunisie, l’instance électorale éteint tout espoir d’une présidentielle démocratique”, Jeune Afrique, 2024.
17 “Association Tunisienne de Droit Constitutionnel : l’Isie menace les valeurs de la République”, Businessnews, 2024.

Les opinions représentées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’Arab Reform Initiative, de son personnel ou de son conseil d'administration.