Palestinian Lives Matter et autres principes clés

L'Arab Reform Initiative a été créée en 2005 à la suite de l'invasion désastreuse de l'Irak par les États-Unis.  Notre mission était et reste d'élaborer un programme local de changement démocratique et de justice sociale dans la région. Nous croyons qu'un ordre régional différent est nécessaire et possible : un ordre fondé sur les droits, les libertés et la justice. Un tel ordre régional n'est pas compatible avec l'occupation continue de la Palestine par Israël et les violations quotidiennes des droits des Palestiniens.

La dernière guerre à Gaza – la cinquième attaque militaire majeure d'Israël contre Gaza depuis 2008 – est un autre rappel brutal et tragique que l'approche d'Israël consistant à contenir/dominer/soumettre la population palestinienne n'est pas seulement un désastre moral et juridique, mais aussi une politique ratée qui conduit à des cycles de violence sans fin. Les guerres à Gaza ne sont que les manifestations dramatiques d'un système de domination violent et routinier mis en place par Israël depuis 2007 pour contrôler Gaza et sa population. Des politiques – allant de la restriction de l'apport calorique à la réglementation de la circulation des personnes et des biens (par voie aérienne, terrestre et maritime) – ont fait de Gaza une « prison à ciel ouvert » pour 2,2 millions de Palestiniens.

Alors qu'une nouvelle vague de violence dévastatrice éclate – qui s'annonce encore plus terrible que les précédentes – il convient de rappeler quelques principes de base pour se repérer dans le tumulte à venir.

  1. La vie des Palestiniens compte. C'est une déclaration qui peut sembler évidente, mais elle vaut la peine d'être répétée étant donné le discours déshumanisant pour les Palestiniens qui sévit ces 10 derniers jours. Le ministre israélien de la Défense parle de « combattre les animaux humains » tandis que le président israélien affirme qu'il n'y a « pas de civils innocents à Gaza ». Ces déclarations ne sont pas seulement rhétoriques – elles justifient des tactiques militaires qui violent les droits fondamentaux des Palestiniens et conduisent à des morts à grande échelle et à des destructions massives. Les médias occidentaux n'ont pas tardé à adopter et à perpétuer ce discours. Dans trop de médias, les Palestiniens meurent tandis que les Israéliens sont tués. Les civils palestiniens sont sans visage et sans nom. Cet effacement des Palestiniens n'est pas accidentel. C'est le résultat de politiques délibérées qui ont trop longtemps écrasé les rêves et les aspirations des Palestiniens derrière des checkpoints, des barrières et d'autres facettes de l'occupation israélienne en cours. Affirmer que les vies palestiniennes comptent ne signifie pas que d'autres vies – notamment dans ce cas, les vies israéliennes – ne le sont pas. Tout comme soutenir le mouvement Black Lives Matter ne signifie pas une indifférence envers les autres groupes. C'est un appel à reconnaître que la souffrance des Palestiniens a été effacée et marginalisée pendant trop longtemps et que leurs droits doivent être au cœur de toute solution.
  2. Aucune paix régionale n'est possible sans la prise en compte des droits des Palestiniens. Nous avons critiqué les Accords d'Abraham dans le passé parce qu’ils adoptent une approche transactionnelle qui n'aborde pas la question des droits des Palestiniens. Nous étions sceptiques quant à l'idée d'un nouvel ordre régional, promu sur la base de la convergence des capitaux du Golfe et de la technologie militaire d'Israël. Nous croyons qu'un ordre régional différent est possible : un ordre qui ne profite pas seulement à Israël, à l'Iran, à la Turquie et aux pays du Golfe, ou aux nombreux autocrates qui dirigent nos pays. Nous aspirons à un ordre régional qui tienne compte des aspirations des nouvelles générations de la région pour une démocratie plus inclusive, la justice sociale et environnementale. Pour qu'un tel ordre régional existe, les droits des Palestiniens doivent être respectés et reconnus.
  3. Le droit international n'est pas à la carte. L'impunité engendre plus de violence. Dans le cas de la Palestine, la violence est ancrée dans les structures de l'occupation. Ne voir que la violence des Palestiniens, c'est choisir d'ignorer délibérément les formes de violence que les Palestiniens vivent quotidiennement. Nous appelons à l'obligation de rendre des comptes pour tous les crimes commis dans la région. La Cour pénale internationale a trop longtemps reporté son enquête sur les crimes commis en Israël et en Palestine. Qu'elle poursuive enfin ses enquêtes et que tous les responsables, de toutes parts, rendent des comptes. Le deux poids, deux mesures est la norme depuis trop longtemps. Nous devons réaffirmer notre engagement en faveur du respect des droits.
  4. La lutte contre le terrorisme en tant que prisme pour aborder le conflit en Israël/Palestine est une approche désastreuse. Depuis 2001, la région a été pensée à travers ce prisme, et ces deux décennies ont été marquées par des invasions, des destructions et, en fin de compte, plus de violence. Qu'il s'agisse de justifier l'invasion illégale de l'Irak ou de légitimer la torture généralisée, la lutte contre le terrorisme a non seulement entraîné davantage de violations des droits humains, elle a également été contre-productive. Elle n'a pas réussi à résoudre les nombreux problèmes de sécurité de la région, tout en alimentant les cycles de violence et de radicalisation. L'adoption de cette grille de lecture par l’Occident – les États-Unis après le 11 septembre 2001 et l’Europe ces dernières années – a conduit à des alliances avec des autocrates et à la sécurisation de leur politique étrangère (avec toujours plus d'exportations d'armes et de technologies de surveillance). Le résultat de ces politiques ? Plus d'insécurité et de misère.

Comment avancer ? La première étape consiste à prendre du recul et à se donner le temps d’élaborer une nouvelle approche. Elle commence par un appel à la cessation immédiate des hostilités et au respect du droit international par toutes les parties. Ceci implique un rappel à toutes les parties belligérantes qu’elles sont tenues de protéger les droits humains et de respecter le droit international humanitaire (y compris les droits des otages), ainsi qu'un appel à permettre immédiatement l’acheminement de l’aide et l'accès aux produits de première nécessité à Gaza. Un répit temporaire devrait alors être mis à profit pour enfin commencer à imaginer une approche différente du conflit, une approche qui s’attaque à ses causes profondes, notamment l'occupation en cours et le siège de Gaza. Toute solution doit être fondée sur le respect des droits fondamentaux des Palestiniens.

Les opinions représentées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’Arab Reform Initiative, de son personnel ou de son conseil d'administration.